Depuis sa première publication en 2003, le classement des cinq cents premiers établissements d’enseignement supérieur mondiaux de l’Université Jiao Tong de Shanghai provoque toujours autant de débats, notamment en France.
En effet, la version 2009 qui vient de paraître place la première université française, Pierre et Marie Curie (Paris 6), à la 40ème place…loin devant Harvard, Stanford, Berkeley et Cambridge qui encore une fois constituent le quatuor de tête. Quant à l’Ecole Polytechnique, une de nos fiertés nationales, on la retrouve très loin derrière : en-dessous du 200ème rang. Ce sont les établissements américains qui trustent les premières places : 38 parmi les 50 premiers.
Qu’en est-il des facultés européennes en 2009? Sont-elles les dignes héritières de leurs ancêtres, les universités de la Sorbonne (1253), Bologne (1088), Salamanque (1218) ou encore Lisbonne (1300) qui ont rayonné de par leur excellence pendant des siècles sur le continent? La réponse doit être nuancée : le Royaume-Uni compte cinq universités dans le top 50 (Cambridge, 4ème ; Oxford, 10ème ; University College London, 21ème ; Imperial College London, 26ème ; Manchester, 41ème) ; la France, deux (Paris 6 (UPMC), 40ème ; Paris 11 (Paris-Sud), 43ème) ; la Suisse place le Swiss Federal Institute of Technology à la 23ème place ; le Danemark se distingue avec l'Université de Copenhague en 43ème position (ex-aequo avec Paris-Sud) ; enfin, la Suède est également présente grâce au Karolinska Institut situé au 50ème rang.
Mais ce classement est-il légitime? Rend-t-il réellement compte de la réalité? Intéressons-nous aux éléments pris en compte, 4 critères et 6 indicateurs :
Critères | Indicateurs | Poids |
Qualité de | Nombre d'élèves ayant remporté un prix Nobel ou une médaille Fields | 10% |
Qualité de | Nombre d'enseignants ayant remporté un prix Nobel ou une médaille Fields | 20% |
Nombre d'enseignants très cités dans la littérature scientifique | 20% | |
Production | Articles publiés dans Nature ou Science | 20% |
Articles dans les autres publications scientifiques importantes | 20% | |
Taille de | Performance académique au regard de la taille de l'institution | 10% |
On peut ainsi constater que la priorité du professeur Nian Cai Liu, initiateur de l'index en 1999, pour évaluer les universités a été de se concentrer sur la production scientifique des étudiants et professeurs. Cette seule approche suffit-elle à rendre compte de la qualité d’un établissement? Rien n’est moins sûr comme a pu le reconnaître Yin Jie lui-même, vice-président de l'Université Jiao Tong : le classement n'est vraiment utile «que si l'on veut comparer les universités américaines, britanniques, chinoises et japonaises. Il ne rend pas justice aux universités françaises ou allemandes dont le système diffère complètement».
Paradoxe des temps modernes, ce qui fait aujourd’hui office de bible en matière de classement des universités dans le monde entier est né qu’une démarche purement nationale. La publication sur Internet a contribué à la gloire d’un document certes intéressant, le premier du genre, mais qui à l’origine ne devait qu’être qu’un outil à usage limité. En effet, comme l’a remarqué Ghislaine Filliatreau, directrice de l'Observatoire des sciences et techniques, « historiquement, le classement de Shanghai a été établi pour évaluer le niveau international des universités chinoises et identifier les établissements étrangers avec lesquels les Chinois pourraient collaborer. (…) Il se trouve que le premier classement de Shanghai a été publié au début du mouvement "Sauvons la recherche". De fait, il a été particulièrement repris par la presse ».
Depuis, plusieurs organismes publics ou privés ont publié leur propre palmarès tels le Times Higher Education Supplement du Financial Times (Royaume-Uni) Outre-Rhin, le classement du Center For Higher Education Development (Allemagne), Centre d’études sur les sciences et les technologies (CWTS) de l’Université de Leiden (Pays-Bas). On peut également citer l’initiative de l’Ecole des Mines qui a établi un nouveau type de classement international des universités dans lequel, de manière surprenante, cinq grandes écoles françaises (Polytechnique, HEC, Sciences Po Paris, l’ENA et les Mines) figurent parmi les dix premières, aux côtés d’Harvard, Stanford ou du MIT.
Encore des initiatives nationales avec le risque de partialité faussant toute tentative d’évaluation objective et utile, risque qui serait moindre avec un classement européen. Cette idée a été l’une des priorités de la présidence française au second semestre 2008, période durant laquelle ce projet s’est concrétisé lorsque la Commission européenne a lancé un appel d’offres afin de préparer d’ici à 2011 un classement « pilote » des grandes universités européennes (dans les 46 Etats membres de l’Espace Européen de l’Enseignement Supérieur ou « Processus de Bologne », soit environ 4000 établissements d’enseignement supérieur) mais également mondiales.
Le projet a finalement été confié en juin dernier à sept entités européennes réunies sous la forme d’un consortium (« CHERPA ») qui dispose d’un budget de 1,1 million d’euros pour construire un classement international fiable d’ici à 2 ans. Il s’agit du Centre for Higher Education Policy Studies (CHEPS) de l’Université de Twente (Pays-Bas), du Centre for Science and Technology Studies (C.W.TS.) de l’Université de Leiden (Pays-Bas), de l’Université catholique de Louvain (Belgique), de l’Observatoire des Sciences et des Techniques (France), du CHE (Centrum für Hochschulentwicklung de Gütersloh, centre de recherches sur le développement du supérieur) (Allemagne), de l’European Foundation for Management Development (E.F.M.D.) (pour l’élaboration du classement en économie) et enfin, de la Fédération Européenne d'Association Nationale d'Ingénieurs (FEANI) (pour le classement des sciences de l’ingénieur).
Ce futur classement est conçu moins comme un palmarès d’excellence et davantage comme une aide à la décision de mobilité des étudiants grâce à une offre d’informations précises et objectives sur les formations en Europe et dans le monde. Un outil qui ne manquerait pas d’intérêt et complèterait utilement le désormais bien connu palmarès de l’Université de Shanghai.
Pour en savoir plus : Vers quel classement européen des universités? Etude comparative du classement de Shanghai et des autres classements mondiaux, Institut Thomas More, Note de Benchmarking n°4, octobre 2009